par Simon » 17 Mai 2020, 00:57
Bonjour,
J'avais écrit sur ce forum il y a maintenant plus d'un an (je suis l'auteur initial de ce sujet). J'avais promis de donner des nouvelles, les voici donc, elles ne sont malheureusement pas bonnes. Pour résumer la situation, l'échographie du 3ème trimestre avait révélé des os longs très courts (fémur <1%), un hydramnios (AFI à 30) et une asymétrique cardiaque. Nous avions alors réalisé une échographie de référence au CHU de Bordeaux qui avait confirmé les mesures. Une échographie cardiaque avait noté un rétrécissement au niveau de l'isthme aortique (-2.4 SD) associé à un faible risque de coarctation. Une amniocentèse a été réalisée avec FISH, CGH-array et caryotype et n'a pas permis de révéler d'anomalie chromosomique. Autre information qui n'apparaissait pas dans le message initial, nous avions interrompu une grossesse précédente en circuit IVG au premier trimestre suite à l'observation d'une fente labio-palatine bilatérale et d'une suspicion de microphtalmie.
Suite à l'échographie de référence (et avant d'avoir obtenu les résultats de l'amniocentèse), nous avons rencontré le responsable du service (le même qui nous avait suivi pour la précédente grossesse interrompue) pour qu'il nous fasse un bilan suite au "staff" qui s'était réuni pour discuter de notre cas. Nous partions à ce rendez-vous très pessimistes, ayant effectué nos propres recherches entre temps. A notre grande surprise, le médecin s'est montré très rassurant : "des cas comme le votre, on en voit 4 ou 5 par an et tout va bien" ou "les chances pour que votre enfant ait un problème se comptent sur les doigts de la main, et je ne dis pas ça pour vous rassurer". On lui cite une étude que nous avions trouvé qui étudie l'association RCIU + hydramnios et qui conclut que 92% des cas présentent des anomalies majeures, souvent d'ordre génétique (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.7863/jum.1997.16.9.609). Ce a quoi il nous répond que c'est une étude de 1998 et qu'elle ne vaut pas grand chose, car "98, c'est la préhistoire du diagnostique anténatale". Nous évoquons l'IMG mais on nous répond qu'il n'y a pas assez d'éléments pour penser qu'il y a un problème et que même si nous en faisions la demande, elle ne nous serait pas accordée. De toute façon, pourquoi en ferait-on la demande suite à ce rendez-vous, dont nous ressortons tellement rassurés. Un suivi en hôpital de jour un mois avant la naissance est planifié pour suivre la croissance du bébé et pour effectuer un monitoring.
Nous effectuons donc une nouvelle échographie en hôpital de jour quelques semaines plus tard, en espérant que le bébé ait bien grandi, ce qui n'est pas le cas. Les os sont toujours <1% mais cela ne semble inquiéter personne. Le monitoring a lieu, la courbe est très régulière, nous nous disons que c'est bon signe mais les infirmières veulent continuer le monitoring toujours plus longtemps. Au bout d'1h30, un médecin vient nous voir pour nous informer que le coeur du bébé n'accélère pas assez, qu'il est peut-être en difficulté et qu'il faut se préparer à un déclenchement d'accouchement le lendemain. On parle de notre dossier, le médecin s'en fiche, ce qui l'intéresse, c'est l'accouchement. Ma femme est hospitalisée, mais heureusement les monitos réalisés le lendemain sont meilleurs et elle peut rentrer à la maison. C'est le dernier contact que nous avons avec l'hôpital avant l'accouchement, nous ne rencontrerons jamais aucun généticien.
Arrive le jour de l'accouchement, notre fille née à terme mesure 45cm et pèse 2.6kg. Elle est magnifique mais certains détails attirent notre attention. On se dit d'abord qu'elle a des dents (il s'agissait en fait d'un frein labial qui traverse sa gencive), elle a de petites oreilles et sa bouche surtout est inhabituelle : ses lèvres sont fines, sa gencive supérieure est très visible. Mais on est tous différents et on est les parents les plus heureux du monde après tous ces mois d'inquiétude. Et puis si il y avait un problème, les médecins nous en auraient parlé. Les tests habituels réalisés à la naissance sont "normaux", notre fille est "très tonique" (on pense que c'est bien mais on apprendra plus tard que ce n'est pas le cas). Elle ne pleure quasiment pas, elle dort beaucoup, ça change de son frère.
On sort de la maternité heureux d'avoir un bébé en bonne santé, on profite, avec toujours cette inquiétude sur sa croissance. Lors du rendez-vous du premier mois chez la pédiatre, nous posons une question sur son frein labial et elle évoque "sa petite bouche en chapeau de gendarme". Notre bébé est toujours très tonique (on parle maintenant d'hypertonie), la pédiatre note quelques remarques mais rien qui ne semble l'inquiéter. Puis on rentre chez nous, et on cherche le terme "bouche en chapeau de gendarme". Et là , le monde s'effondre. Il s'agit d'une dysmorphie faciale que l'on retrouve souvent dans les syndromes génétiques avec retard mental. On continue nos recherches, on lit les phénotypes de certains syndromes et on a l'impression de lire une description de notre fille. On retrouve tous ces détails qui nous attiraient l'oeil, sans que l'on sache pourquoi. Les petits doigts, le cou court et large, la fossette sacrée, la bouche en chapeau de gendarme, les membres courts. Nous recontactons notre pédiatre, qui nous dit qu'elle avait remarqué mais qu'elle ne voulait pas "casser l'euphorie de la naissance".
Nous obtenons un rendez-vous chez un généticien, qui fait passer tout un tas d'examens à notre fille et qui souhaite refaire une CGH-array (pourquoi le résultat serait-il différent cette fois-ci ?). Nous réclamons un séquençage génétique, qui nous est refusé, car cela produit "une grande quantité de données, on ne se sait pas où chercher après" et puis il faut attendre un an minimum pour avoir les résultats. Nous sommes persuadés avec ma femme d'être porteurs d'une maladie récessive, nous décidons donc de faire séquencer notre génome par nos propres moyens, via un échantillon de salive. 2 semaines plus tard, les résultats tombent. Nous sommes tous les deux porteurs sains du syndrome de Peters Plus. Nous avons donc 1 chance sur 4 d'avoir un enfant atteint de ce syndrome, qui associe un nanisme avec un retard mental léger à sévère et des anomalies oculaires (heureusement notre fille n'est pas très touchée de ce côté là ). Ce syndrome explique également la microphtalmie de la précédente grossesse ainsi que la fente qui survient chez 40% des cas.
Comme vous pouvez l'imaginer, nous sommes très en colère contre le centre de dépistage anténal qui nous a suivi. Nous ne comprenons vraiment pas ce qui a pu conduire à une telle situation. En relistant tous les éléments qu'ils avaient en leur possession (membres <1%, hydramnios, anomalie cardiaque, grossesse précédente), nous ne comprenons pas comment ils ont pu conclure qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter. Qu'ils refusent l'IMG est une chose, mais qu'ils nous rassurent à ce point, en nous ôtant toute raison de nous battre... Je ne peux qu'espérer qu'il s'agisse d'incompétence.
Désolé pour ce long message, j'avais promis de vous tenir informé, voilà qui est fait.